Tout commence un soir d’octobre, alors que j’allais de fêter mon douzième anniversaire. Douze années passées sans trop de frasques. La vie avait suivi son cours. Et j’n’avais pas fait de vagues. Jamais une goutte d’alcool n’avait remplis mon verre, jamais une cigarette n’avait été portée à ma bouche. J’étais un ange, une petite fille modèle, dédiée à mes études. Je voulais être vétérinaire. Et rien ne laissait présager que je n’étais pas capable d’arriver à mes faims.
Mais ce 31 octobre, alors que d’autres jeunes sonnent aux portes en demandant des bonbons, on m’invite à une soirée. Enfin, c’était plus par obligation. Cécile m’avait invitée. Mais, sa sœur, plus vieille de plusieurs années, voulant fêter Halloween avec ses amis mais devant pourtant nous garder, chamboula notre programme, nous invitant par la même occasion a cette soirée.
« Les filles, j’vous prends, mais me foutez pas la honte! Faites vous discrète, jouez pas les ringardes… » Mélanie avait lourdement insisté : Nous devions être cool !
C’était ma première VRAIE soirée. Pas celles ou on reste assis a mater un film. Pas celle en petit comité. Pas
celle où on sert du jus d’orange accompagné de cookies. NON ! Cette fois ci, c’était une vraie soirée ! Des gens « cool » plus vieux que moi… Qui ne me connaissait pas… De la bière, de la vodka, et plein d’autres bouteilles d’alcool, des gobelets vides et des pizzas trainant par ci par là… De la musique qui hurlaient… Des jeunes devant la Playstation… Alternant jeux de combats, et de courses… A peine avais-je posé le premier pied que j’comprenais tout ce que j’avais raté ! Tous ces gens étaient si « cool ». Il ne me laisserait pas les approcher s’ils savaient mon âge. Je ne devais pas répondre à cette question. Je devais à tout prix l’éviter !
« Tiens, on se connait ? » C’est à moi qu’il parlait ? Ma foi, oui… C’est à moi qu’il tend le verre. Cécile, à côté, me regarde, d’un air surpris prendre le verre et répondre « Non, non, on se connait pas… J’suis venue avec Mélanie. » Qu’est-ce qui était dans mon verre ? De l’eau ? Je bois le verre cul-sec. « Ouarch, ca arrache la tronche ce truc ! C’était pas de l’eau ! »
« - Bon, ben, on essaie de s’incruster p’t’etre non ? » dis-je mon verre vide à la main.
« - Avant, j’veux qu’on se promette de faire gaffe l’une à l’autre. »
« - T’inquiètes pas. Ils sont cool ! On n’a rien à craindre ! Mais oui, si tu veux, on veillera l’une sur l’autre. On fera pas de conneries comme ca. »
J’me dirige vers le canapé, plein de ces ados bondissant à chaque coup porté par l’adversaire virtuel. Plus aucune place ? Pas grave, je m’assis par terre, comme deux ou trois autres jeunes. On me tend la manette. « Pourquoi pas ? » La défaite est cuisante. Mais on me propose une deuxième partie -la première ayant été très courte- . Même résultat. La manette fait encore plusieurs tours. Cécile reste assise sur l’accoudoir d’un fauteuil, en donnant l’impression de s’ennuyer. Elle ne voulait pas boire. Pas d’alcool ! Elle était timide, et préférait rester dans son coin.
Plus tard, on en vint à me tendre une cigarette. Une roulée plutôt. J’dois faire quoi ? Accepter ? Refuser ? Quelques taff dessus, ca ne me ferait pas de mal, et ca me permettrait de rester parmi les « cool » et de bien parler. J’aime cette soirée, je ne veux pas finir exclue juste pour quelques lattes sur une clope ! Je l’attrape, l’amène a mes lèvres et aspire. Une drôle de sensation dans mes poumons, une légère envie de tousser que je retins. « Woooow ! Cowboy ! Pas si forte les lattes ! Il est chargé ce oinj’ » Oinj’ ? Joint ? Je viens de fumer un joint ? Cooool ! C’est bon, j’suis des leurs ! J’tire encore quelque lattes, et j’le passe ! La soirée continue. J’me sens bien avec ce que je viens de fumer. J’oublie Cécile, toujours là sur l’accoudoir, ne sachant pas quoi faire. Tout ce qu’on me tend, je prends. Alcool, joint, cigarette, tout y passe.
Puis, il commence à faire chaud… Si j’allais me passer un coup d’eau sur le visage. J’cherche la salle de bain. J’entre, et tombe nez à nez avec Mélanie, et deux jeunes hommes. Un tube à la main, et de la poudre blanche sur la machine à laver. C’est quoi ? Ce n’est pas… si… c’est ca. Mélanie enfile un rail, puis un deuxième, me regarde et me tends la paille. « Tu veux essayer ? » Je sais pas. J’hésite. Ils ont l’air vraiment bien dans cet état. Mais… Ce n’est certainement pas une bonne idée. « C’est pas si dangereux qu’on tente de le faire croire ! Tu trouves que j’ai l’air en danger la ? » Elle n’a pas tort. Elle n’a pas l’air en danger. Bien au contraire. Elle donne l’impression, comme toujours, d’être au dessus de tout.
Sniiiiiiiiif. Voila, tout était dedans ! L’impression désagréable de brulure dans mon nez se dissipa vite, très vite, aidée par un nième verre de vodka. Mais l’impression de brûlure n’était pas la seule à s’effacer. J’perdais, peu à peu, conscience de ce que je faisais. De retour près du groupe de « gamers », j’m’assois, ou plutôt, me colle à un des mecs avec qui j’m’entendais finalement très bien ! On sympathise, se rapproche, et…
Lendemain matin. Ma tête me fait un mal de chien. J’me réveille doucement, et m’aperçois, en ouvrant les yeux, que je ne connais pas cette chambre. Qu’est-ce que j’fous la ? Pourquoi j’suis à poil ? Là, des lèvres se pose contre mon épaule et y dépose un baiser. « Bonne soirée hier hein ! » Il ne me faut qu’un quart de seconde pour calculer ce qui s’est passé, me remémorer ce que je peux de la soirée… J’attrape les fringues que je peux attraper, sors en courant, tout en essayant d’enfiler un minimum de vêtement, m’arrête pour vomir dans les toilettes, et atterris sur le trottoir en pleurs, ne sachant ni quoi faire, ni où aller.